Toulouse Bordeaux l’un dans l’autre. Loubatières, 2005

TBcouv

Rivales, jalouses, aux antipodes l’une de l’autre, Toulouse et Bordeaux ? Une ville latine pleine d’énergie, contre une ville froide et nostalgique ? Et si Toulouse et Bordeaux s’assemblaient au contraire comme deux gouttes de Garonne ? Pour trouver leur air de famille, il faut entrer dans leur histoire, chercher derrière leurs façades de brique et de pierre les souvenirs et la culture qui les unissent. Leurs unions médiévales, leurs semblables combats pour des indépendances perdues, leur lien-fleuve, transportant pendant des siècles les marchandises de l’une à l’autre, leurs solidarités croisées des périodes troubles, de la Révolution à l’Occupation… Les villes ne partagent-elles pas l’héritage de la langue d’oc, ne cultivent-elles pas leur tropisme espagnol, ne se régalent-elles pas des mêmes recettes, ne se rencontrent-elles pas sur les mêmes stades ? Bien sûr chacune a sa personnalité, sa géographie, ses intérêts. Toulouse et Bordeaux sont loin d’être identiques, mais elles sont semblables. L’un dans l’autre, il y a de la brique dans le port de la Lune comme il y a de la pierre dans la Ville rose. Cette quête de liens est aussi celle de l’auteur qui, un pied ici et l’autre là, a cherché les ressemblances pour se rassembler.

Télévisions, avril/mai 2005

Toulouse Bordeaux l’un dans l’autre a suscité la curiosité des médias.

Cela m’a valu une invitation de Carine Couedel au 12/14 de France 3 Aquitaine

et une autre de Benjamin Bardel à Carré VIP sur TV7.

Pierre Veilletet m’a fait l’amitié de m’accompagner à cette émission, après m’avoir utilement conseillé pour le manuscrit.

France 3 :

TV7 :

En quête de soi; pages 7 à 11

Les ouvrages de psychologie parlent peu de l’instinct d’appartenance géographique, c’est bien dommage,

car j’y vois une passion non moins subjuguante que la passion sexuelle et non moins liée qu’elle à notre commerce avec la mort.

Pierre veilletet

 

EXTRAIT

Toulouse

Je serai Toulousain, passionnément. Je me vêtirai de brique, me griserai de vent d’Autan, je serai tour capitulaire, je serai platane rêveur de canal, je serai buveur de Garonne. Je fredonnerai “la brique rouge des Minimes”, je caresserai les courbes de la place Saint Sernin ou du quai Lombard, où Stendhal se plaignait “de ne pas trouver trois maisons de suite dont la façade formât une ligne droite”. Je ferai des œillades aux clochers de dentelles. Au milieu du pont-neuf, j’admirerai dans le ciel brillant d’hiver la découpe parfaite des sommets pyrénéens, grandiose rideau de fond de scène, cachant les coulisses de cousinages espagnols. De la Garonne qui en vient à flots précipités à cette présence en forme de mirage, je mesurerai l’attachement de la ville à ces sommets tutélaires qui lui apparaissent dès que le vent de mer chasse le voile atlantique. Il me faudra dix ans pour apaiser ma faim de sud, pour savoir de là tout ce qui me faut pour être moi. Pour que l’homme armé de la rue des Moulins m’ait raconté les fureurs du moyen-âge, pour avoir conquis Clémence Isaure dans sa cour de l’hôtel d’Assezat, pour que chaque coin de ruelle m’apostrophe avec familiarité. Un jour d’été blanc écrasant dans cette ville du milieu des terres, la Garonne me racontera des histoires d’îles. Des îles mouvantes qu’elle élève année après année avec la glaise et les galets qu’elle arrache aux Pyrénées. Ces îles d’estuaire qui lui rappelleront au terme de sa course le lieu de naissance où elle ne reviendra pas. Debout sur les bancs rocheux qui affleurent dans le lit de la rivière, je déciderai de suivre dans sa course ce courant inconstant. De quitter la quiétude rassurante de ce nid toulousain pour un espace de vent où faire pousser mes branches. Passer de l’étroit port de la Daurade aux larges quais de Bordeaux où l’océan envoie sa puissance salée à la rencontre de la douceur garonnaise. On m’en dissuadera. Un bouquiniste de la rue du Taur évoquera ces “Anglais” du port d’estuaire, une amie me reprochera de vouloir passer “à l’ennemi”. Nourri de racines retrouvées, vigoureuses et noueuses, repu de terrasses, de chaleur et d’accent, je persisterai et m’embarquerai pour l’aval vers la ville honnie.

Bordeaux

J’y entrerai par la “Barrière de Toulouse”, première et surprenante ressemblance dans la manière de nommer ses limites. Comme là-bas où les barrières rappellent avec constance les anciennes entrées dans la ville, Bordeaux les égrène sur ses boulevards. De la Barrière Saint Agne à la Barrière Saint Genès, de Muret à Arès, la géographie continuera de me guider. Je découvrirai la façade noire et blonde des quais entrecoupée de tours et de clochetons, la largeur du fleuve qui a quintuplé depuis le Pont-neuf. Pour mesurer l’ampleur de sa courbe, je monterai sur le pont où l’auteur Pierre Veilletet m’attend pour placer une première banderille. “Lorsque vous arrivez sur le Pont de pierre en fin de matinée et que le soleil dore tout ça, il faut être une brute de Toulousain et avoir une brique à la place du cœur pour ne pas être touché.” Par chance, j’avais dès l’arrivée, troqué ma brique pour une pierre, car mon cœur minéral appréciera le spectacle et plus même, il y trouvera une pulsation nouvelle. Arpentant les pavés des ruelles médiévales, Je me surprendrai à trouver de la place Wilson à Gambetta, de la place Saint-Georges à Camille Jullian, de la rue Saint-Rome à la Porte-Dijeaux. Respirant l’odeur humide des cours qui laissent bailler de lourds portails, lisant les noms gascons des plaques de rues, Bouquière, Ayres ou Maucoudinat, j’aurai le plaisir étrange et tenace de me sentir ici dans un autre chez moi. D’avoir trouvé dans cette nouvelle ville à aimer de multiples traits de la précédente. Je deviendrai donc aussi Bordelais.

Le lien

Pourrai-je être l’un et l’autre ? La banderille me fera réfléchir. Je ne pourrai éluder cette constance qu’auront mes nouveaux amis bordelais à me retenir quand je retourne à Toulouse : “Tu vas chez les fous !” Quand les toulousains me mettront en garde de ne pas devenir prétentieux au contact prolongé des autres. Et pourtant, les mêmes eaux qui lèguent leur argile à la ville d’amont, la pierre de leurs coteaux à celle d’aval, relient ces capitales jumelles du grand Sud-ouest. C’est ici, me dit-on de chaque côté. Plus on m’affirme que ces deux villes sont aux antipodes l’une de l’autre, plus je suis persuadé du contraire. Trop de traits m’apparaissent semblables, trop de poissons remontent et descendent, trop d’attitudes “contre” me rappellent le rapport de Sacha Guitry aux femmes. “Contre oui, mais tout contre.” Il va me falloir chercher ce qui se cache derrière ce trop simple effet de pose. Chercher derrière cette rivalité clamée qui n’est peut-être que de façade, les liens et les mimétismes. Voir si une longue relation n’a pas forgé au fil des siècles, à la lumière des passions communes, au gré d’intérêts âprement disputés, plus de points communs que de dissemblances. Sous les pavés, c’est un sens que je chercherai. Installé dans une double appartenance, sautant d’une ville à l’autre avec une égale jubilation, c’est le dédoublement qui me fera entier. Du quai de la Daurade à celui des Chartrons, des puces de Saint Sernin à celles de Saint Michel, des arches du Pont neuf à celles du Pont de pierre, j’arpenterai pour les interroger les croisements et les parallèles des deux cités garonnaises, le tumulte ou la complicité de leur relation. Pour trouver ma place dans la lumière de cette double histoire, dans ce rapport singulier qui fait qu’au-delà des clichés, les villes se rapprochent et se reprennent à caresser aujourd’hui un avenir ensemble.”

Deux gouttes de Garonne

 

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Ce livre est l’histoire d’un décalage. Décalage entre ma rencontre avec Bordeaux, une ville que je ne connaissais pas, et l’image que mon environnement m’en donnait. J’ai une extrême sensibilité aux lieux. J’ai conçu pour Toulouse une passion exclusive, très liée à l’identité fantasmée que j’y cherchais. Après un intermède de huit ans à Paris, j’ai eu la sensation en arrivant à Bordeaux de retrouver d’une autre façon tout ce que j’aimais de Toulouse. Devant les réactions dubitatives que j’ai rencontrées et le trait un peu forcé sur une rivalité dont personne ne connaissait au juste la cause, je me suis dit qu’il y avait là une contradiction qui cachait quelque chose. Contre ? Oui, mais tout contre. Peut-être la boutade de Sacha Guitry sur sa relation aux femmes allait-elle ici trouver dans la relation de ces villes une nouvelle illustration. Deux villes qui, dans la géographie comme dans l’histoire, n’ont jamais pu se passer l’une de l’autre.

 

 

 

 


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Serge Legrand-Vall en dix dates

1958. Naissance à Montauban.

1964. De l’Ariège à la Normandie, changement de décor et de patronyme.

1976. École Supérieure des Arts appliqués Duperré / Paris.

Auditeur libre en Ethnologie, civilisations amérindiennes / Paris VII Jussieu.

1986. Ateliers Cinématographiques Sirventès, écriture scénaristique / Toulouse.

1995. Bordeaux.

2005. Toulouse Bordeaux l’un dans l’autre (essai), première publication.

2011. Les îles du santal, premier roman suivi d'une résidence d'écriture aux îles Marquises pour La part du requin.

2013. La rive sombre de l’Ebre.

2018. Résidence d'écriture à Barcelone pour Reconquista, avec le soutien de la région Nouvelle-Aquitaine.

2022. Un oubli sans nom.

Plus :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Serge_Legrand-Vall

Les avis de lecteurs :

https://www.babelio.com/auteur/Serge-Legrand-Vall/111133

L'actu :

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Les livres en stock dans les librairies indépendantes :

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Et les indispensables :

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D'abord pourquoi vendredi écriture ?

Pour écrire, pendant une vingtaine d'années, j'ai défendu comme une citadelle assiégée mon vendredi. Le siège a été levé en 2020 et j'écris désormais tous les jours si je veux. Mais c'est grâce à tous ces vendredis que j'en suis arrivé là. 

 

À propos de mon rapport au vrai et à l'imaginaire dans l'écriture,

je ne résiste pas au plaisir de vous livrer cet extrait du monde selon Garp de John Irving :

“Il attendait le moment où elle lui demanderait : et alors ? Qu'est-ce qui est vrai, qu'est-ce qui est inventé ? Il lui dirait alors que rien de tout ça n'avait la moindre importance ; Elle n'avait qu'à lui dire tout ce qu'elle ne croyait pas. Il modifierait alors cette partie. Tout ce qu'elle croyait était vrai ; tout ce qu'elle ne croyait pas devait être remanié. Si elle croyait toute l'histoire, dans ce cas, toute l'histoire était vraie.”