Huis-clos dans l’île

Fanett Salmon

 Le jour de Noël 2011, je rentrais des îles Marquises, assez hébété dans le bus de l’aéroport, avec en tête une histoire que j’avais imaginée en partie là-bas. Ce voyage tout à fait miraculeux avait été rendu possible par une “résidence d’écriture” financée par la région Aquitaine. La condition en était un livre lié à cet archipel. J’avais donc assez rapidement proposé un roman dont l’action se situerait à Nuku Hiva, l’île du premier roman, vingt-cinq ans plus tard. Sur place, j’ai vécu dans une famille marquisienne et rencontré quantité de passionnés de ces îles, réunis le temps du Festival des arts des Marquises (Matavaa o te Henua Enana). Ce moment rare (tous les 4 ans dans une île différente) met en scène les retrouvailles des insulaires avec la culture originelle qu’ils ont bien failli perdre. J’ai arpenté tous les coins de l’île que j’ai pu atteindre. Un endroit que jamais je n’avais réussi à me représenter auparavant et dont la présence est si puissante.

L’auteur Marc Weitzmann écrit dans le JDD à propos de son dernier livre Une matière inflammable : “Bien sûr, tout roman un peu “sérieux” paraît infaisable quand on commence à s’y mettre – c’est même pour cela qu’on s’y met, d’ailleurs – mais ça a été particulièrement vrai de celui-ci.” Je n’ai pas été loin de penser la même chose, en juillet 2012, lorsque je me suis attelé à l’écriture de ce troisième roman. Car j’ai pris le parti de créer plusieurs histoires imbriquées, racontées avec le point de vue de chaque personnage. J’y intègre l’esprit des lieux tel que je l’ai ressenti et je dois adapter l’intrigue aux faits historiques, en évitant de me laisser trop contraindre par eux. Ce livre constitue une suite pour les lecteurs des Îles du santal. Pour les autres, c’est simplement un nouveau roman.

 

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L’action se déroule en 1842. Elle met en scène une jeune femme “demie”, Hina et son frère Heetai. Ce sont les enfants d’Alban, marin déserteur du Bordelais, et de sa compagne insulaire Vaiana, qui vient d’être emportée par une épidémie de tuberculose. Désespoir, volonté de conjurer la mort, ce drame va bouleverser le destin de chacun. C’est alors qu’après une année sans passage de vaisseau du monde “civilisé”, une escadre française se présente dans la baie de Taiohae, dans le but de prendre possession de l’archipel pour la France. Cette présence, d’abord accueillie avec joie, va se révéler au fil des mois pesante et partiale. Car pour asseoir leur autorité, les Français vont chercher par tous les moyens à imposer le chef alcoolique de Taiohae comme roi de toute l’île. “Ils nous accusent de manger des hommes, accuse le guerrier Takaaoa, mais ils sont bien plus redoutables, puisqu’ils dévorent notre force magique sans même avoir besoin de nous tuer.” Alors que la pression exercée par les occupants se renforce, le soulèvement initié par le chef Pakoko a-t-il la moindre chance de réussir ?

La tragédie du peuple marquisien au contact du monde occidental, sa presque disparition et sa renaissance récente m’ont touché. J’ai voulu prendre pour témoins de ce basculement ceux dont l’identité est double et pour qui la question du choix est la plus difficile.

Peut-on choisir sans se trahir ? Jusqu’à quel point peut-on garder sa liberté quand des enjeux puissants sont en œuvre ? Trouver sa place est parfois une aventure douloureuse.

L’écriture pour moi est un lent voyage… La parution de ce roman est prévue en février 2015.

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Serge Legrand-Vall en dix dates

1958. Naissance à Montauban.

1964. De l’Ariège à la Normandie, changement de décor et de patronyme.

1976. École Supérieure des Arts appliqués Duperré / Paris.

Auditeur libre en Ethnologie, civilisations amérindiennes / Paris VII Jussieu.

1986. Ateliers Cinématographiques Sirventès, écriture scénaristique / Toulouse.

1995. Bordeaux.

2005. Toulouse Bordeaux l’un dans l’autre (essai), première publication.

2011. Les îles du santal, premier roman suivi d'une résidence d'écriture aux îles Marquises pour La part du requin.

2013. La rive sombre de l’Ebre.

2018. Résidence d'écriture à Barcelone pour Reconquista, avec le soutien de la région Nouvelle-Aquitaine.

2022. Un oubli sans nom.

Plus :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Serge_Legrand-Vall

Les avis de lecteurs :

https://www.babelio.com/auteur/Serge-Legrand-Vall/111133

L'actu :

https://www.facebook.com/serge.legrandvall

Les livres en stock dans les librairies indépendantes :

https://www.placedeslibraires.fr/

Et les indispensables :

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D'abord pourquoi vendredi écriture ?

Pour écrire, pendant une vingtaine d'années, j'ai défendu comme une citadelle assiégée mon vendredi. Le siège a été levé en 2020 et j'écris désormais tous les jours si je veux. Mais c'est grâce à tous ces vendredis que j'en suis arrivé là. 

 

À propos de mon rapport au vrai et à l'imaginaire dans l'écriture,

je ne résiste pas au plaisir de vous livrer cet extrait du monde selon Garp de John Irving :

“Il attendait le moment où elle lui demanderait : et alors ? Qu'est-ce qui est vrai, qu'est-ce qui est inventé ? Il lui dirait alors que rien de tout ça n'avait la moindre importance ; Elle n'avait qu'à lui dire tout ce qu'elle ne croyait pas. Il modifierait alors cette partie. Tout ce qu'elle croyait était vrai ; tout ce qu'elle ne croyait pas devait être remanié. Si elle croyait toute l'histoire, dans ce cas, toute l'histoire était vraie.”